Annoncé officiellement en 2012, Cyberpunk 2077 aura été un projet de longue haleine pour le studio de développement polonais CD Projekt RED, et à moins d’être un ermite, vous en avez forcément entendu parler ces dernières années. Il faut dire que le studio a méticuleusement fait monter la hype à un point assez incroyable, au cours d’une campagne marketing étalée sur plusieurs années. L’accélérateur aura bien évidemment été la fameuse présentation de l’E3 2018, avec plus de 40 minutes de gameplay, scotchant la presse spécialisée dont nous faisions partie évidemment. En 2019, le studio a même passé la seconde en officialisant la présence de l’acteur Keanu Reeves dans le jeu, polarisant une fois encore l’attention des joueurs du monde entier. Il faut dire que le projet envoyait du lourd, et que le studio n’a pas hésité à nous vendre du rêve à longueur de communiqué, ou de stream (les fameux Night City Wire). Mais avec de telles ambitions, les développeurs ont fait face à la dure réalité. Pour tenir leurs promesses, il leur a fallu du temps bien sûr, mais aussi de multiples concessions. De premiers sacrifices ont été faits avec l’abandon du wallrun par exemple, tandis que le jeu a été repoussé de maintes fois pour sans doute . Aujourd’hui, le jeu est enfin là, et il est temps de voir si CD Projekt Red a eu les reins assez solides pour livrer un jeu qui réponde à nos attentes forcément stratosphériques.
Bien que basé sur le jeu de plateau Cyberpunk, Cyberpunk 2077 n’a pas grand-chose à voir, si ce n’est son environnement : celui de Night City. On incarne donc V, un ou une mercenaire qu’on va pouvoir créer via un outil de création particulièrement complet. Dans la grande tradition des RPG, la création de notre avatar pourra prendre très longtemps si vous faites partie de ces joueurs qui aiment essayer tous les réglages possibles. Pour vous donner une idée, sachez qu’on pourra combiner un corps masculin avec des organes génitaux féminins, décider de la longueur d’un pénis, choisir le type de rasage pour la toison pubienne, ou encore parcourir d’innombrables couleurs pour vos yeux et cheveux. Normal pour un RPG à la 3e personne où notre personnage sera devant nos yeux en permanence, sauf qu’on rappelle ici que Cyberpunk 2077 se joue principalement en vue FPS, ce qui veut dire que tout le travail effectué dans cet éditeur n’aura finalement que peu d’intérêt. Pour être honnête, il suffit de soigner vos mains, puisqu’il s’agit de la seule partie de l’anatomie de V qu’on verra souvent. Bien sûr, les développeurs ont pensé à ceux qui ont investi tant de temps dans l’éditeur, et de nombreux miroirs seront disposés dans Night City afin de pouvoir contempler votre création, et on pourra même se faire quelques grimaces, ce qui sera l’unique opportunité pour voir les chicots – eux aussi customisables – de V. L’autre option pour se payer un petit trip narcissique sera d’adopter la vue subjective lorsqu’on est en voiture (et d’observer à travers le pare-brise) ou à moto. Vous l’avez compris, CD Projekt a brossé les amateurs de RPG dans le sens du poil, mais on a du mal à comprendre l’intérêt d’avoir soigné à ce point cet aspect du jeu, quand d’autres domaines auraient pu profiter de plus d’heures de développement. Mais on y reviendra plus tard. Finalement, la seule décision vraiment utile concerne le choix du background de votre personnage : Corpo, Street ou Nomade, ce qui permettra de profiter de certaines options de dialogue, et facilitera les interactions avec les gens du même milieu. Puis vient l’attribution des premiers points de compétence, afin de définir une sorte de classe.
A CITY OF DREAMS
Une fois en jeu, nous sommes embarqués dans un prologue dont vous avez probablement déjà tout vu, puisqu’il s’agit en fait de la séquence sur laquelle les médias du monde entier ont pu essayer le jeu en juin dernier, et qui avait également été montrée en partie lors de la démo de l’E3 2018. Sachez qu’il faudra tout de même investir environ 5h de jeu sur ce prologue avant d’avoir le bonheur de découvrir l’écran-titre du jeu. Le jeu va ainsi nous faire découvrir les mécaniques principales, mais assez bizarrement, l’impasse est faite sur de nombreux points, comme le crafting qu’il faudra découvrir pas nous-mêmes. Comme tout bon RPG, Cyberpunk 2077 va nous proposer un max de loot, et un arbre de compétences très fourni afin qu’on puisse adapter notre personnage à notre style de jeu. D’ailleurs, lors de notre test nous avons un peu dépensé nos points partout à des fins de découverte, mais l’idéal est clairement de choisir une branche ou deux, afin de spécialiser notre personnage, ce qui permet de débloquer des bonus indécents. L’arbre de compétences se compose de six branches dont une est mystérieusement resté inaccessible (peut-être en prévision du mode multi ?). Chaque branche pourra être améliorée via des points d’attributs, ce qui nous permettra par exemple de forcer des portes, ou de réaliser des piratages plus rapides.
Chacune des cinq branches se subdivise en trois sous-menus qui nous proposent une multitude de nouvelles compétences qu’on pourra débloquer via des points d’avantages. On pourra par exemple débloquer la possibilité de recharger en sprintant, ou obtenir des bonus d’esquive pour le combat au corps-à-corps. L’équipement sera aussi primordial, avec trois slots d’arme qui peuvent accueillir pétoires et lames, et deux emplacements d’accès rapide afin d’y placer des grenades ou des remontants. L’arsenal disponible dans le jeu est réellement impressionnant, et s’articule en trois grandes familles. On aura les pétoires cinétiques, qui ne sont autre que des armes à feu classiques, les armes tech qui font penser au railguns et qui permettent des tirs chargés, et enfin les armes intelligentes qui proposent des balles à têtes chercheuse. Chaque type à ses avantages et inconvénients, les projectiles des armes intelligentes étant par exemple assez lents, et faisant moins de dégâts.
Ceux qui espèrent causer l’Armageddon dans la rue à coups de bazooka ou de lance-grenades pourront donc repasser. On n’est pas dans un GTA.
Chaque arme pourra en plus être personnalisée en fonction de ses emplacements disponibles. On pourra souvent y mettre un système de visée (lunette, reflex, red dot) et un silencieux pour l’infiltration. En plus de ces éléments, certains flingues acceptent l’ajout de mods. Il s’agit de puces qu’on va ajouter définitivement à l’arme (impossibles à retirer donc, et en cas de remplacement ils sont détruits) et qui vont modifier ses statistiques (meilleure chance de faire des dégâts critiques, DPS amélioré). Bien sûr, chaque arme disposera de ses stats propres, et d’un niveau de rareté, qui correspond généralement au nombre d’emplacements pour les mods (le tout-venant acceptera un mod au mieux, tandis que les légendaires en prennent six). Ce système est d’ailleurs repris pour les vêtements. Oubliez la mode, puisqu’on habillera V uniquement en fonction de la statistique d’armure de chaque vêtement, afin d’obtenir le total de plus élevé possible, sachant que là aussi, les fringues les plus rares accepteront des mods (meilleure protection, possibilité de porter plus de poids et donc d’avoir un inventaire plus rempli). Enfin, le dernier onglet concerne le matériel cyber, soit les augmentations corporelles. Une fois acquises, ces dernières devront être installées chez les fameux charcudocs qui vont vous ouvrir en deux pour vous installer plein de technologie. Extrêmement coûteuses, ces modifications permettent d’énormes gains sur certaines stats, ou offrent carrément de nouvelles capacités, comme les fameuses lames Mantis Blades (hyper efficaces au passage). Le hic, c’est que là aussi, CD Projekt Red semble nous avoir un peu survendu les choses. Lors de la démo et du prologue, on assiste à une véritable opération lors de l’ajout de ces augmentations. Mais une fois cette scène passée, l’ajout de ces accessoires se fera par menus interposés, et sans la moindre animation, ce qui est nettement moins immersif. Au niveau des déceptions on va aussi évoquer le fameux combat en voiture qu’on a pu voir dans la démo E3, et dans le prologue. Profitez-en bien, car ce système de combat ne servira que deux fois en tout et pour tout dans le jeu. Là encore, on se demande combien de temps a été investi pour développer une mécanique qui ne sert même pas 10 minutes. D’autant plus que la conduite des voitures n’est pas vraiment réjouissante, la faute à un train avant bien trop léger. La direction est donc assez floue, et on se retrouve avec un sous-virage chronique sur tous les véhicules.
Ceci dit, les voitures ne sont qu’un pur moyen de transport (une side quest nous fait faire 3 courses, mais c’est tout), et on peut largement s’en passer en utilisant le système de fast travel via les nombreuses bornes réparties sur la map. D’ailleurs, aucun concessionnaire n’est disponible, ce qui nous oblige à acheter auprès de particuliers. Forcément, le gameplay va largement dépendre des choix effectués dans l’arbre, et de votre choix d’armes. Les adeptes du corps-à-corps opteront pour les armes blanches (Katanas, Tanto, couteaux divers), ou pour des fusils à pompe, tandis que les autres se dirigeront vers les armes longue portée comme les fusils d’assaut ou les snipers. Toutefois, sachez qu’on ne disposera pas d’explosifs sorti des grenades à main. Ceux qui espèrent causer l’Armageddon dans la rue à coups de bazooka ou de lance-grenades pourront donc repasser. On n’est pas dans un GTA. La force du jeu, c’est que pour peu que votre personnage soit bien perké, les trois grands styles de jeu seront abordables, qu’on préfère l’action et les gros flingues, le piratage (via un mini-jeu assez simple) ou l’infiltration. Sachez que les sensations de tir sont plutôt pas mal, et que les armes sont globalement bien modélisées. Il en va de même pour le combat au corps à corps, où l’impact des coups est fidèlement retranscrit, tandis que des démembrements bien gores viendront récompenser les amateurs d’armes blanches.
RPG oblige, on passera toutefois obligatoirement par la case du loot, et sur ce point, on avoue avoir souvent eu beaucoup de mal à ramasser des objets précis au sol, dès lors que plusieurs items sont rassemblés sur une faible surface. Dommage, surtout qu’un système de couleur d’icone nous indique directement la rareté des items, ce qui évite de saturer notre inventaire avec des cochonneries. Les adeptes de la revente pourront toutefois regarnir leur compte en banque en lootant et en revendant tout ce qui arrive à portée de la main, dont pas mal d’objets rigolos ou inattendus dont la seule utilité est de finir chez un vendeur. On pense notamment au large choix de sextoys disponible, puisque ces derniers semblent particulièrement répandus à Night City. Si jamais vous n’avez pas l’âme d’un biffin, on pourra aussi se faire de l’oseille via les nombreuses activités proposées dans les rues de la ville. Sorti de la campagne principale, le jeu nous offre des quêtes annexes particulièrement léchées (une vraie chasse au tueur en série par exemple, avec enquête à la clef), et souvent très bien écrites. Soyez rassurés, on ne vous demandera pas ici de faire le coursier FedEx. Plus rémunérateurs, les contrats sont donnés par les nombreux fixers (le nom des intermédiaires entre le client et l’exécutant) de la ville qui nous contactent via notre téléphone portable, ou via SMS. Ici, pas de grande épopée qui se déroule sur plusieurs missions, mais bien une seule tâche à mener à bien, le tout dans l’optique d’empocher un gros paquet d’EuroDollars (ou ED, soit Eddies prononcé à l’anglaise).
Au niveau des déceptions on va aussi évoquer le fameux combat en voiture qu’on a pu voir dans la démo E3, et dans le prologue. Profitez-en bien, car ce système ne servira que deux fois en tout et pour tout dans le jeu.
De plus, des micro-missions seront disponibles un peu partout sur la carte, et permettront de profiter d’activités rapides. Si on préfère la violence pure, sachez qu’on pourra aussi prendre des jobs pour le NCPD (Night City Police Departement) et s’occuper des gangs qui harcèlent les citoyens de la ville. Enfin, le gros morceau reste bien sûr la quête principale. Sans spoiler, sachez que cette dernière est assez longue, et qu’elle prendra plusieurs formes en fonction de vos choix lors des dialogues ; D’ailleurs, si ces options permettent de changer la fin du jeu, au cours des missions, l’impact des choix ne sera pas réellement impactant. Oui, un PNJ vivra ou mourra, mais la destinée des personnages principaux reste gravée dans le marbre. Bien sûr, la plupart des choix décisifs (signalés en jaune dans la liste des réponses) On en profite pour saluer l’écriture remarquable de l’aventure, et le jeu de Keanu Reeves dont le rôle n’a rien de secondaire. Pourtant, sorti de ces missions principales, le jeu est loin de nous donner autant de substance qu’un GTA. Oui, Night City est vaste, et c’est probablement le meilleur argument de vente du jeu. La map propose différents quartiers à l’identité bien définie, mais aussi une zone désertique appelé Badlands qui permet de donner un contraste incroyable quand on passe des grattes-ciels aux étendues de cactus. Avec le RTX et les options poussées à fond, le jeu est visuellement impressionnant, surtout au niveau des éclairages et des reflets. Le ray tracing semble avoir d’ailleurs été taillé pour l’ambiance cyberpunk où les multiples néons sont magnifiés au cœur de la métropole. Mais la claque visuelle ne s’arrête pas aux heures nocturnes, et même en plein jour on se surprend à admirer un joli panorama. Lorsque la pluie se met à tomber, on découvre encore un autre visage de Night City, avec l’eau qui rend la chaussée luisante, et les gouttes d’eau qui diffusent la lumière de manière si particulière. Vous l’avez compris, Cyberpunk 2077 est un véritable VRP pour la technologie de ray-tracing de Nvidia tant le rendu est impressionnant.
WE’VE GOT A PC TO BURN !
Pourtant, malgré ces nombreuses qualités, on a du mal à se plonger dans le jeu à cause de son état technique absolument déplorable. Tel The Witcher à sa sortie, le dernier jeu de CD Projekt est complètement blindé de bugs, au point de réellement gâcher l’expérience. D’ailleurs, malgré un patch de 54 Go déployé lors de notre test, les problèmes sont légion. Bugs de collision, PNJ qui font le christ, triggers mal calés, dialogues qui se déclenchent à tout bout de champ. On finit rapidement par pester contre la récurrence des problèmes, et leur diversité. Jamais on avait eu droit à des problèmes aussi variés, allant de la manette dont les commandes ne répondent plus bien à des interfaces qui restent affichées jusqu’à ce qu’on redémarre le jeu, et encore, on ne vous parle même pas des nombreux retours Windows qu’on s’est tapés. Oui, les grands open worlds ont souvent quelques bugs, mais ici, leur quantité et leur récurrence font qu’il est impossible de faire l’impasse sur ce problème qui nuit gravement à l’ambiance. À titre d’exemple, on a eu droit à une scène de deuil où un des proches du défunt avait son pantalon qui manquait, et qui a donc fait la cérémonie cul nu. Dommage pour la séquence émotion. Pire, les performances du jeu sont également une énorme déception. Oui, notre version test souffre de la présence d’un DRM de Denuvo qui sera absent sur les versions grand public, mais le jeu ne tourne tout simplement pas bien. Avec un PC équipé de la configuration recommandée pour le RT Ultra selon les recommandations du développeur (i7-8700K et RTX 3080), nous n’avons jamais pu profiter du jeu. En 4K, le framerate est simplement catastrophique, et nous avons dû faire de grosses concessions sur les options graphiques afin d’atteindre les 70FPS en temps normal. Et même dans ce cas, avec le DLSS réglé pour avoir des performances maximales, on souffre de chutes de framerate catastrophiques. Les fameux miroirs cités plus haut en sont l’exemple parfait, avec des chutes sous les 10fps lorsqu’on s’en sert. Grâce à Nvidia qui nous a permis de profiter de drivers optimisés dans leur version beta, le problème s’est légèrement amélioré, mais le jeu manque clairement d’optimisation. En vérité, entre les bugs à foison et les problèmes de performances, il nous semble clair que le jeu manque de temps de développement. Aujourd’hui, on a plus l’impression de jouer à une bonne alpha, ou à un titre en early access, qu’à un jeu fini et prêt à la commercialisation. Clairement, on vous conseille d’attendre 6 à 8 mois avant de vous plonger dans les rues de Night City, le temps que CD Projekt corrige tous les problèmes. Enfin, on mentionnera une durée de vie plus courte qu’attendue, avec 55h de jeu pour terminer la quête principale et une bonne partie des quêtes secondaires. Et pour l’instant, il ne semble pas y avoir d’option New Game +, ni de contenu end game spécifique.