Annoncé en 2019, Outriders est resté secret pendant encore une bonne année avant de dévoiler véritablement ses courbes : il aura fallu, pour cela, attendre un gros événement réservé à la presse et aux influenceurs dans la capitale de Pologne en mars 2020. Un lever de rideau en bonne et due forme qui fut d’ailleurs notre dernière excursion avant la crise du covid-19 (reposez en paix, petits voyages). Hélas, lors de cette preview, nous n’étions pas ressortis vraiment convaincus d’Outriders qui s’était avéré trop plat et trop répétitif pour charmer vraiment son public, récoltant un tas d’avis partagés… dont le nôtre. Une réception clairement mitigée qui aura en partie conduit l’éditeur à repousser son titre de plusieurs mois (et le télétravail imposé par la situation n’a sûrement pas encouragé les choses) : aujourd’hui, on peut le dire d’avance, Outriders n’est pas aussi décevant que prévu, loin de là. Néanmoins, il comporte suffisamment de coquilles agaçantes pour l’empêcher de tutoyer les sommets du shooter-looter.
Outriders n’est pas un jeu-service et n’a donc pas vocation à évoluer drastiquement avec le temps en s’appuyant sur un tas de mises à jour aux ajouts labyrinthiques.
Quiconque connaît un peu Gears of War en fera la référence après avoir joué quelques minutes à Outriders : si le gameplay s’en rapproche diablement – on mitraille tout ce qui bouge en se mettant à couvert et en esquivant, roulades à l’appui – il partage également des éléments évidents avec d’autres grandes licences, à l’instar de Borderlands, The Division ou Destiny, pour ne citer qu’eux. Nous voici donc dans un TPS ultra-bourrin, nerveux, relativement linéaire dans son level design, qui mise tout sur le butin récupéré aléatoirement et la façon d’opter pour des difficultés qui vous récompenseront en fonction. Une méthode particulièrement populaire depuis que Gearbox et 2K Games y ont plongé corps et âme en 2009, qui comporte toutefois ici une petite différence avec les jeux du genre de cette génération : Outriders n’est pas un jeu-service et n’a donc pas vocation à évoluer drastiquement avec le temps en s’appuyant sur un tas de mises à jour aux ajouts labyrinthiques. Voilà, vous savez déjà un peu plus où vous mettez les pieds.
ENOCH KNOCK
Comme vous pouvez vous y attendre, Outriders prend place dans un contexte totalement S-F : vers la moitié du XIe siècle, alors que la Terre se meurt et que le chaos de la fin du monde n’arrange rien, l’humanité décide d’envoyer quelques milliers d’élus cryogénisés dans le Flores, un gigantesque vaisseau spatial s’en allant à la conquête de la planète lointaine Enoch, visiblement habitable. Le dernier recours de notre espèce, en soi, avant l’extinction définitive de notre foyer originel. Une situation critique qui aboutira, 83 ans plus tard, à une première excursion sur Enoch par les Outriders, une équipe d’élites chargée de sécuriser ces terres inconnues avant l’envoi des premiers colons pour rebâtir notre civilisation. Hélas, la planète est hostile et l’Anomalie, une tempête aux propriétés surnaturelles et mortelles défiant les lois de la physique, frappe de plein fouet notre team de vaillants bonhommes. Votre personnage, que vous créerez grâce à un éditeur modeste que l’on aurait aimé plus varié, devient alors un Altéré, un miraculé ayant survécu à l’Anomalie et qui en a même gardé certaines capacités (définies par la classe de perso que vous choisirez). En d’autres termes, en plus d’être un soldat déjà extrêmement doué pour exploser des crânes, vous devenez alors une machine à tuer grâce à des super-pouvoirs à faire jalouser certaines têtes de Marvel et DC.
Après un repos forcé d’une trentaine d’années en cryo-sommeil, votre héros/héroïne se réveille alors sur Enoch et le constat est amer : une guerre éclate depuis que les hommes ont foulé les terres, ces dernières se retrouvant ravagées régulièrement par l’Anomalie. Avec plusieurs factions de guerriers maboules et une faune mutante franchement peu sociable, c’est à vous qu’il adviendra de survivre et, idéalement, de calmer le jeu en traversant de nombreuses régions inconnues en compagnie d’autres Outriders. Contrairement à Bulletstorm qui jouait déjà avec des thèmes futuristes et galactiques, Outriders est un jeu au ton résolument sérieux, dont la trame et l’univers ont été écrits par un scénariste, Joshua Rubin, soucieux de prouver la maturité de PeopleCanFly. Ce que l’on peut dire sans crainte, c’est que l’histoire et le lore, enrichis par de nombreux documents à lire de façon optionnelle, sont plutôt convaincants sur le papier mais souffrent d’une exécution sommaire. La narration et la mise en scène pèchent sur plus d’un point, tant dans leur mise en scène que dans certaines situations franchement clichées qui peuvent décrédibiliser des propos valables ou des retournements de situation (sans parler d’un mixage audio et d’une VF discutables). L’expression du scénario peine donc à convaincre totalement malgré quelques bonnes idées – approfondies par ces centaines de documents que la plupart des joueurs ne liront évidemment pas – et les personnages ne sont assez creusés pour que l’on s’y attache réellement. On soulignera tout de même un effort sur ce dernier point, Outriders misant sur plusieurs dialogues optionnels pour de la parlotte légèrement philosophique sur fond de gros mots.
Outriders est un jeu d’action à 100%, n’en doutez jamais.
Une histoire qui se laisse suivre, donc, et surtout un joli contexte pour s’immiscer dans des environnements dangereux aux habitants timbrés. Composés d’une quinzaine de zones aux biomes différents – un bidonville, des tranchées façon 1ère Guerre Mondiale, de la jungle, de la neige, du désert, un village forestier et l’on en passe – ceux-ci se composent de zones de combat placées les unes après les autres, avec quelques portions adjacentes pour les quêtes secondaires. Une structure qui sera répétée ad vitam æternam, à l’exception près de quelques petites villes pacifiques dans lesquelles il sera possible d’acheter ou vendre des items (chose faisable de toute façon avec les membres de votre équipe n’importe où) ou obtenir des missions annexes. D’un point de vue level design, ces zones de combat ne relèvent pas non plus d’une véritable profondeur puisqu’à part plusieurs niveaux de hauteur, il s’agit complètement d’utiliser les parois pour se mettre à couvert et jouer avec les tirs ennemis pour venir à bout de ses adversaires. De manière récurrente, on affrontera également des animaux aliens redoutables pour des combats beaucoup plus rapprochés et à la proximité mortelle. On précise qu’il n’y pas d’autres éléments de gameplay que ceux des combats : aucune conduite de véhicule, aucune phase de rail-shooting, aucune énigme, aucun mini-jeu particulier ou quoique ce soit pour diversifier l’expérience. Outriders est un jeu d’action à 100%, n’en doutez jamais.
TEMPÊTE DE BALLES
Heureusement, ce dynamisme brutal fonctionne plutôt bien. On doit cela à l’expertise de PeopleCanFly en la matière (Bulletstorm est d’ailleurs une petite perle en la matière), avec des vibes Gears of War qui se ressentent immédiatement. Le système de couverture, les sensations de tirs acharnés, le démembrement constant et l’on en passe : tout est parfaitement fluide et se laisse approcher très facilement pour une action des plus frénétiques et plutôt agréable. Dans Outriders, les points de vie se récupèrent uniquement en tuant des ennemis, ce qui force à aborder une stratégie agressive pour survivre, d’autant plus que les PV s’envolent très rapidement. La difficulté est également progressive, avec toutefois des pics un peu inégaux sur la toute fin de l’aventure qui pourrait bien en décourager certains. Pour gérer cela, le jeu instaure alors des “niveaux de monde”, qui correspondent tout simplement à la dureté du jeu : au nombre de quinze, plus ils sont élevés et plus le level des ennemis sera supérieur au vôtre. En contrepartie, le taux de rareté du butin obtenu (des armes et des habits, donc) sera considérablement augmenté pour un loot toujours plus qualitatif. À savoir que pour passer au “niveau de monde” supérieur, il faudra remplir la jauge dédiée en tuant le plus d’ennemis sans mourir, sous peine de voir une perte conséquente des points accumulés. En d’autres termes, arrivés à un certain nombre de niveaux de monde franchis (ce qui se fait très bien pendant la moitié de la campagne solo), il deviendra extrêmement difficile de franchir le pallier pour atteindre le niveau de monde suivant, à moins d’être un sacré PGM ou de jouer en coopération avec des gens très solides. Heureusement, il est tout à fait possible de choisir un niveau de monde moins élevé si l’on se retrouve face à trop de difficulté, mais il ne faut pas oublier que cela, de un, peut faire mal à l’égo et, de deux, aboutira à récupérer un loot moins bon, forcément en deçà de votre équipement actuel… ce qui mènera forcément à une certaine stagnation par la suite. Un système efficace qui change par rapport à ce qui se fait ailleurs, donc, mais qui a également des facettes discutables.
Enfin, notons que la durée de vie dépend évidemment du niveau de monde choisi et du choix de faire l’aventure en solo ou non, et que des “expéditions” sont à parcourir après les crédits de fin : il s’agit de niveaux à terminer le plus rapidement possible, avec des niveaux de difficulté à débloquer puis à choisir, dans lequel on devra… tuer tous les ennemis. Rien d’anormal à ce niveau là – c’est ce qu’on fait dans Outriders tout du long – mais les récompenses seront, en revanche, particulièrement bénéfiques. De plus, des dizaines de quêtes annexes (pas variées pour un sou, mais menant parfois à des boss uniques) sont également proposées pour une longévté maximisée. Si vous appréciez Outriders, vous devriez en avoir pour de jolies dizaines heures avant d’en voir le bout.
Un système de difficulté efficace qui change un peu la donne mais qui possède également des facettes discutables.
Côté loot pur, Outriders ne prend pas beaucoup de risques mais fait les choses plutôt bien : les items sont divisés en plusieurs catégories de rareté, lesquels permettront notamment d’inclure plusieurs “atouts” aux propriétés passives ou actives différentes. Ainsi, on se retrouve à démanteler de nombreux objets pour en récupérer des ressources qui seront réutilisées pour upgrader des armes ou des vêtements, ce qui fera clairement la différence dans les difficultés un poil élevées. Le feeling des armes s’avère bon même si l’on ne peut s’empêcher de penser que la diversité manque un petit peu à l’appel : on aurait aimé plus de type d’armes pour aérer l’expérience davantage, comme des grenades ou des lance-roquettes, mais les développeurs ont tout de même intégré de nombreuses variations à travers les “atouts” pour proposer des concepts, parfois originaux.
CTRL + ALT(ÉRÉ)
Comme abordé précédemment dans ce test, la coopération est un des éléments phares d’Outriders : il est possible de jouer seul, bien sûr, mais aussi jusqu’à trois pour des affrontements qui prendront alors une autre saveur. Il n’y a pas à dire, c’est toujours mieux à plusieurs : bien que PeopleCanFly ait déclaré que la difficulté se rééquilibrait automatiquement en fonction du nombre de joueurs, il s’agit d’un paramètre que l’on ne sent pas tellement et, plus que jamais, jouer en équipe est un avantage évident et déterminant pour progresser. Également, le gameplay même d’Outriders prend une autre dimension grâce aux facultés surnaturelles de notre personnage : lors de sa création, on se doit alors de choisir une classe qui lui permettra de disposer de plusieurs pouvoirs très importants. Ainsi, le Pyromancien optera pour des attaques enflammées redoutables, capable même d’exploser ses ennemis à moyenne distance ; l’Illusioniste, lui, pourra distordre le temps et l’espace pour ralentir ses ennemis, se téléporter à côté d’eux ou les désassembler sauvagement (littéralement). Le Ravageur fera office de tank, avec la possibilité de bloquer des attaques et d’exploser la terre dans un cercle proche – enfin, le Trickster jouera de sa mobilité pour frapper vite et bien avant de prendre la fuite en un clin d’œil.
Des styles de jeu différents les uns des autres que l’on pourra coupler avec nos armes et qui, surtout, s’entremêleront bien avec ceux des autres joueurs. Associer ces différentes attaques pourra s’avérer redoutable contre certaines troupes d’ennemis et dégagera, ne nous le cachons pas, une certaine jouissance. D’ailleurs, notons que plus l’on montera en niveau grâce aux points d’expérience, et plus on débloquera d’attaques “magiques”, dont trois maximum pourront être assignées aux gâchettes. Quelques surprises attendent donc le joueur qui pourra également dépenser des points de compétences dans des améliorations passives, via un skill tree basique mais pertinent. Il existe donc bien une évolution du personnage dans ses compétences et dans le loot, soyez-en rassurés, et celle-ci est plaisante à expérimenter en compagnie d’un ou deux copains. Au passage, cette coopération permet aussi de passer outre un bestiaire qui a tendance à se répéter un tantinet, ou ce manque de séquence véritablement hollywoodienne qui aurait pu diluer ces innombrables combats d’affilés. Dernier point à préciser : l’hôte de la partie imposera le niveau des ennemis (alors calé sur le sien et son “niveau de monde”) aux autres joueurs, occasionnant alors des écarts trop importants entre les invités très avancés dans leur partie ou, au contraire, pas assez. On aurait infiniment préféré un système à la Borderlands 3, permettant de rééchelonner la difficulté pour chacun et permettre un jeu d’équipe cohérent…
LOOT DE BUGS
Mais voyez-vous, même si Outriders est plaisant à parcourir seul ou à plusieurs (surtout à plusieurs), il s’appuie aussi d’une politique online extrêmement agaçante : la connexion obligatoire est effectivement requise pour jouer, rendant impossible la pause en plein jeu, même en solo. Un petit détail très agaçant qui s’additionne surtout à d’autres problèmes impardonnables : des serveurs calamiteux qui viennent salir complètement l’expérience de jeu. C’est bien simple, depuis son lancement, Outriders n’est que difficilement jouable à cause de crashs constants des serveurs du studio polonais. Nous n’avons carrément pas pu essayer le titre deux soirs consécutifs à cause d’une panne réseau générale, empêchant alors les parties solo purement et durement. Dans le même registre, les versions consoles aboutissent deux fois sur trois (sans exagérer) sur une notification de connexion qui mouline indéfiniment, ne laissant autre choix que de fermer l’application et de la relancer dans l’espoir incertain de pouvoir accéder au menu d’accueil. Et l’on ne parle pas des INNOMBRABLES crashs fermant tout simplement le jeu pour des raisons souvent obscures, où des déconnexions insensées classant Outriders parmi les titres les plus instables de la génération. Alors bien sûr, il y a fort à parier que ce lancement chaotique, générant le bad buzz sur les réseaux sociaux, est en train de provoquer quelques cheveux gris dans les couloirs de PeopleCanFly qui doit travailler d’arrache-pied au déploiement d’une très grosse mise à jour. Ces maladresses techniques seront donc probablement corrigées dans les temps à venir mais en l’état, impossible de ne pas passer un coup de surligneur rouge sur ces écueils difficilement pardonnables, surtout après cinq ans de développement et pour un tarif de 69,99 euros.
Heureusement, Outriders reste un titre plaisant à jouer si l’on est prêt à fermer les yeux sur ses nombreux problèmes techniques dont on dépend entièrement.
Titre véritablement multiplatorme, Outriders relève d’un véritable défi pour ses développeurs qui doivent alors convenir d’un jeu adapté à tous les supports. Testé pour l’occasion sur PlayStation 5, le TPS atteint ses objectifs avec un framerate à soixante images par seconde et une résolution 4K dynamique franchement propre (il en est de même sur Xbox Series X avec même une meilleure résolution mais un framerate apparemment légèrement moins stable). Toujours sur next-gen, les temps de chargement minimes sont plus qu’appréciables et le rendu graphique, sans époustoufler, remplit sa part du contrat avec une colorimétrie pétillante et plutôt variée, permettant aussi quelques panoramas sympathiques. En revanche, carton jaune pour PeopleCanFly qui n’utilise absolument pas la DualSense, tant en termes de vibrations haptiques que de retours sur les gâchettes adaptatives. Il n’y a pas à dire, une optimisation, même minime, pour la fameuse manette de la PS5 aurait largement approfondi les sensations de jeu. C’est quand-même franchement dommage. Heureusement, Outriders reste un titre plaisant à jouer si l’on est prêt à fermer les yeux sur ses nombreux problèmes dont on dépend entièrement. En espérant qu’un patch arrange la situation le plus vite possible…